FRAC Alsace

TransFORM

Nouvelles acquisitions
21.09–17.11.2024
bertille bak, cercle d’art des travailleurs de plantation congolaise (catpc), renzo martens, binta diaw, adélaïde feriot, elise grenois, núria güell, marie lienhard, marlie mul, jean-luc mylayne, daniel otero torres, sebastián riffo valdebenito, cameron robbins, moffat takadiwa, jennifer tee, sandra vásquez de la horra, katarzyna wiesiolek.

L’art peut-il être à l’origine de changements ?

L’exposition présente une sélection des œuvres nouvellement acquises par le FRAC Alsace entre 2021 et 2023 autour de la question de l’art pouvant impulser des changements à diverses échelles :  évolution de notre perception et de notre regard, interrogation de nos habitudes jusqu’aux grandes questions sociétales comme le post-colonialisme et les effets destructeurs de l’humain sur la planète.

L’art n’est pas seulement soumis à des mouvements impulsés par les intentions et choix des commanditaires (Église, État, collectionneurs et mécènes privés, marché de l’art) dont il dépend souvent, mais il provoque aussi des changements par lui-même.

L’art pose des questions et remet en question. L’une des missions de l’art est de questionner la réalité et de la rendre visible à travers des langages formels toujours nouveaux. Il nous permet ainsi d’enrichir notre perception, notre pensée, nos connaissances et, le cas échéant, de repenser nos modèles d’action.  Dans une société de plus en plus complexe et spécialisée, où les thèmes sociaux et scientifiques se perdent dans le flux des informations, l’art vient se poser comme une fenêtre sur le monde, en éclairant par bribes ces sujets.  Il peut, avec les moyens, les méthodes et les formes qui lui sont propres, transmettre ou réviser des connaissances culturelles ou pluridisciplinaires et rendre visibles les problèmes et les questions qui y sont liés.

Les artistes représentés dans l’exposition sont originaires de quatre continents : l’Europe, l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Océanie/Australie.

Dans certaines approches artistiques, le changement et la transformation sont directement initiés par le processus de travail, autour d’une démarche mêlant volonté de changement et transformations sociétales. Ainsi, le collectif d’artistes CATPC, une coopérative d’artistes et travailleurs de plantation, qui occupe le pavillon néerlandais avec Renzo Martens à l’actuelle Biennale de Venise, sont connus pour la fabrication de sculptures en chocolat visant à créer un nouveau modèle économique basé sur l’art. Le collectif ne se penche pas seulement sur la recherche de son histoire coloniale et postcoloniale, mais récupère également pour la communauté des terres autrefois expropriées par les pouvoirs colonisateurs et entreprises multinationales en vendant ses œuvres sur le marché de l’art. La production artistique et sa commercialisation qui inclut la construction d’un musée emblématique, le « White Cube », amène donc des changements à la communauté :  la restitution de terres, la mutation du travail et leur médiatisation et l’appropriation des mécanismes capitalistes avec ses effets parfois négatifs.

Nuria Guëll utilise également sa position d’artiste occidentale pour remettre en question, dans son travail Ayuda Humanitaria, les mécanismes de pouvoir de l’aide humanitaire, en apparence altruiste. Au cours de cette performance à long terme, elle a épousé un Cubain et l’a ainsi aidé à quitter légalement son pays et à acquérir la nationalité espagnole. En contrepartie, il s’est engagé à être à la disposition de l’artiste jusqu’au divorce et accepté de faire partie de son œuvre d’art et de sa documentation.

Binta Diaw est une artiste italienne d’origine sénégalaise qui reflète sa propre identité et ses origines dans son travail artistique. Dans sa série Paysages corporels, elle s’intéresse aux corps féminins noirs comme lieux d’attachement à la nature, de pouvoir, de résistance et de résilience. Son travail s’inscrit dans la tradition de l’écoféminisme en élargissant le discours aux questions postcoloniales. 

Moffat Takadiwa, qui représente actuellement son pays d’origine, le Zimbabwe, à la Biennale de Venise, nous confronte de manière très esthétique au problème de la gestion des déchets à l’échelle planétaire qui se fait au détriment des dits « Pays du Sud », qui servent de décharge pour l’Occident, comme ici au Zimbabwe. Dans son œuvre, nous retrouvons les restes des produits quotidiens, des tubes de dentifrice aux claviers d’ordinateur, soigneusement repérés et triés dans les décharges autour de la capitale Harare et ensuite transformés en une nouvelle composition plastique. Celle-ci est fabriquée en collectif avec une quarantaine d’assistants dans une démarche d’émancipation du travail et savoir-faire manuel. Comme Moffat Takadiwa, l’artiste Marlie Mul nous fait également réfléchir à ce que nous laissons sur cette terre dans ses puddles, qui rappellent des flaques d’huile, posées discrètement au sol dans l’espace d’exposition.

L’œuvre de Daniel Otero Torres perros sin dueño (chiens sans maître) se penche sur la figure du chien errant, présente dans de nombreuses légendes ainsi qu’aux origines du cynisme (de grec kynos : chien), et à l’aspect profane des chiens de rue et leurs stratégies de résistance et de résilience. 

Souvent, les travaux artistiques sont motivés par la biographie, la mémoire ancestrale, comme chez Jennifer Tee, qui traite de ses origines transculturelles entre l’Indonésie et les Pays-Bas en composant des tulipes – la fleur qui a joué un rôle-clé pour les Pays-Bas, son commerce et son inscription dans la mondialisation – dans un arrangement précis pour former un collage inspiré de motifs textiles indonésiens.

D’autres artistes s’intéressent aux savoirs autochtones, aux mythologies (Sandra Vásquez de la Horra) ou valorisent les archives sur des catastrophes naturelles historiques afin de remettre en perspective l’émotion suscitée par ces traumatismes collectifs (Sebastián Riffo Valdebenito).  

La production artistique est précédée par l’observation, la recherche et l’expérimentation. C’est ce qui ressort de nombreux travaux : les sculptures et tableaux cinétiques à l’aspect scientifique de Cameron Robbins, qui rendent visibles des phénomènes naturels comme le vent, les dessins à l’aspect photographique de Katarzyna Wiesiołek, qui joue avec notre perception et notre compréhension de l’image, ou encore les oiseaux devenus verre, avec lesquels Elise Grenois donne une nouvelle forme au deuil.   L’expérimentation avec les lois physiques et des matériaux est aussi au cœur du travail de Marie Lienhard.  Elle nous montre la force, la fragilité et la légèreté d’un phénomène d’équilibre au travers d’une installation discrète, un dessin dans l’espace, un mobile de gravité inversée. Le dialogue entre légèreté et gravité se retrouve également dans l’installation spatiale Immense l’étendue des eaux d’Adelaïde Feriot, une œuvre faite à la main, issue des matériaux naturels comme l’encre de seiche sur soie et des éléments figuratifs en aluminium.

Les oiseaux, en tant qu’êtres vivants qui se déplacent entre le ciel et la terre et qui sont essentiels pour nous et notre écosystème, sont un motif récurrent dans l’exposition.

Parmi les nouvelles acquisitions, on trouve également la vidéo Bleus de travail de Bertille Bak, dans laquelle des problèmes sociaux et écologiques tels que le travail des enfants et l’exploitation des êtres vivants sont illustrés par des poussins colorés.  L’art peut dénoncer des abus et irriter, mais il donne aussi de l’espoir et inspire. C’est ce dont témoigne le travail et l’œuvre du couple d’artistes Jean-Luc Mylayne, qui a consacré sa vie à l’observation constante des oiseaux et a partagé leur habitat avec eux.  Dans les photographies, où notre œil doit chercher l’oiseau, la forme et le contenu de l’image ne font qu’un. Des lentilles spécialement conçues pour l’appareil photo grand format permettent d’avoir plusieurs points focaux sur l’image, créant des zones nettes et floues et reflétant la manière dont l’œil humain scrute l’image.

Les nouvelles acquisitions reflètent le projet artistique et culturel Natures et la notion de (bio)diversité au sein d’une collection favorisant une approche transversale.  D’une grande hétérogénéité formelle, les œuvres ont été créées par des artistes connu.e.s et d’autres qui restent à découvrir. La sélection d’œuvres est complétée par une présentation de livres et de documents et donne à voir la manière de travailler d’une collection publique. Les 22 FRAC en France et leurs collections donnent une visibilité à des artistes ou scènes artistiques émergents en dehors des logiques du marché de l’art et ses mécanismes de spéculation, car les œuvres intègrent une collection publique et deviennent inaliénables. Il s’agit à la fois de soutenir des artistes, qu’importe leur origine, nationalité ou âge, et de valoriser leurs œuvres précieuses pour les générations futures.

L’exposition est enrichie par une programmation culturelle, des visites et évènements grand public comme les Journées Européennes du Patrimoine ou le week-end des FRAC (WEFRAC) en France.

Commissaire d’exposition : Felizitas Diering, directrice du FRAC Alsace

Plus d’infos

Vernissage vendredi 20 septembre 2024 à 18h

A l’occasion du vernissage de TransFORM, le public est invité à voter pour sa lettre favorite dans le cadre du concours de la plus belle lettre « Pour l’amour de l’art ! ».

À télécharger

Artistes

Bertille Bak
1983, Arras (Pas-de-Calais, France)
Cercle d’Art des Travailleurs de Plantation Congolaise (CATPC)
2014, Lusanga – République démocratique du Congo
Adélaïde Feriot
1985, Libourne (Gironde, France)
Marie Lienhard
1978, Montferrier (F)
Jean-Luc Mylayne
1946, Marquise (Pas-de-Calais, France)
Cameron ROBBINS
1963, Melbourne (Australie)
Jennifer Tee
1973, Arnhem (Pays-Bas)
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